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La tribune à Catherine Cibien, directrice scientifique et Alice Roth, chargée de mission du MAB France

La France est en train de se doter d’une stratégie nationale des aires protégées pour la décennie à venir, qui fait suite à la stratégie de création d’aires protégées (SCAP) de 2009, complétée par la stratégie de création d’aires marines protégées (SCAMP) en 2011.

Si cette stratégie propose des avancées, force est de constater qu’elle ne rompt pas assez avec les précédentes, tant par son approche conceptuelle que par les ambitions affichées. Elle sous-entend qu’un pourcentage aussi élevé « que possible » de protections et tout particulièrement de protections fortes serait « efficace ». De toute évidence, les effets ne sont pas à la hauteur des enjeux, puisque l’érosion de la biodiversité se poursuit. Ce déclin ayant débuté à l’après-guerre, en lien avec les changements sociétaux, cette nouvelle stratégie devrait être d’autant plus ambitieuse  et porter au-delà de la conservation, sur la restauration de la biodiversité et des services écosystémiques. Force est de constater que ces derniers sont déjà bien dégradés sur l’ensemble du territoire (cf l’extinction de l’expérience de nature bien documentée par les scientifiques). Ces constats appellent une rupture dans la conception même de la protection.
D’autant que le pourcentage proposé d’aires protégées n’est pas si éloigné de celui dont nous disposons déjà en France, sans que les effets ne soient concluants. Un changement de paradigme semble donc devoir s’imposer.

Travailler davantage sur les causes de l’érosion et accompagner la création d’aires protégées « socialement fortes »

Partout en France, il est maintenant indispensable de supprimer les pratiques non durables (dans les domaines de l’agriculture, l’urbanisme, l’énergie, l’industrie, les transports…) et donc de mettre la priorité sur un accompagnement fort des acteurs publics et privés vers cet objectif.
Dans bon nombre de territoires il existe aujourd’hui une volonté des habitants et de leurs élus de s’engager au profit de l’environnement et d’un développement durable. Les initiatives sont nombreuses et diversifiées.

Cette nouvelle stratégie devrait s’appuyer de façon beaucoup plus nette sur ce pan important de la société qui est en demande d’environnement sain, de lieux de vie de qualité, de gestion durable, et sur les nombreuses collectivités qui conduisent des actions et s’inscrivent dans des politiques en faveur de la biodiversité et plus largement de l’environnement. Une priorité devrait être accordée à leur accompagnement pour concourir à l’extension d’aires protégées ou bien gérées. En témoigne l’intérêt manifesté par plusieurs territoires qui souhaiteraient appliquer le modèle «Réserve de biosphère », malgré l’absence totale de moyens les aidant à leur mise en œuvre. L’écoute, l’éducation, la mobilisation et l’accompagnement des sociétés locales, notamment des jeunes générations, en faveur de la biodiversité devrait être une priorité pour réussir l’enjeu de création de territoires modèles, en nombre, intensité et surface, avec une grande souplesse de mise en œuvre. Cette logique ascendante assurerait l’adhésion des acteurs locaux et usagers des aires protégées aux politiques de conservation. Elle contribuerait aussi à la création d’aires protégées « fortes » pour les sites où les écosystèmes et les espèces sont originaux, rares ou menacés. L’enjeu de biodiversité est aujourd’hui tel qu’il nécessite avant tout de construire le plus grand nombre possible d’aires protégées « socialement fortes », y compris dans des zones qui n’apparaissent pas comme prioritaires pour les scientifiques, mais où une volonté locale s’exprime.

Octobre - 2020